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L’image du Laos à la hausse

A Luang Prabang, ancienne capitale royale du Laos, se tient la deuxième édition de la Biennale internationale de photographie, qui aligne 21 expositions multiculturelles en huit lieux. La sélection, proposée par la photographe Françoise Huguier, reflète les interrogations sur la place de l’humain dans notre époque de flottements. Dans les jardins du palais royal, des corps lévitent parmi les rayons de grandes surfaces occidentales, tirages de Denis Darzacq étonnant le public local.

A l’intérieur du monument, une salle est consacrée aux jeunes photographes laotiens qui ont travaillé en atelier avec Olivier Culmann, du collectif Tendance floue. Loin des clichés touristiques qui constituent la culture visuelle dominante sur place, ils isolent en séries leur environnement quotidien, a priori banal, comme les scooters, leurs voisins, les premières traces de la pollution dans les rues. Une adolescente fait des autoportraits costumés ; un garçon invente des diptyques de lits à moustiquaires occupés et inoccupés. La composition joue avec la valeur documentaire de ces œuvres, soulignant la prise de conscience chez ces jeunes photographes que le beau n’est pas forcément spectacle, que l’esthétique se nourrit de sens. Leur aîné est Rasi, selon qui «ce qu’il y a de laotien dans la photo est la proximité avec l’environnement».

Enfants des rues. D’étranges morceaux de savon usés (Bohnchang Koo) figurent le temps qui passe. Les longs tirages de Zeng Nian évoquent la transformation cataclysmique engendrée par le barrage des Trois-Gorges, avec de petits humains au milieu de vastes chantiers. Marion Gronier montre avec élégance des visages d’acteurs de troupes de théâtre populaires au Japon et en Chine, dans les coulisses, mais encore maquillés.

Plus loin dans la ville, le voyageur Bertrand Meunier propose un diaporama des tréfonds de la Chine post-maoïste à l’inverse de l’imagerie de développement aseptisé offerte par le «grand frère chinois» à son petit voisin laotien. Juste à côté, les créations Photoshop Fantasy, issues d’un programme impliquant les enfants des rues laotiens, expriment leurs souhaits multicolores et pacifiques de montagnes enneigées, de grosses voitures, d’océans et d’amour éternel.

Lanterne magique. Dans un pavillon sur pilotis est exposé le travail controversé d’Achinto Bhadra avec les femmes indiennes victimes de trafic, auxquelles il demande de se déguiser en personnages de leurs rêves. Retour aux sources avec Laurent Monlaü, qui photographie en immense le chaos des forêts primaires tempérées, ainsi qu’un globe-trotter préhistorique eût pu le faire s’il avait eu un appareil. Dans la maison Desproges, case coloniale où l’humoriste a passé une partie de son enfance et où est installé le centre culturel français, les photographes singapouriens présentent des visions personnelles de leur cité-Etat, où l’individu doit s’effacer devant le groupe. Comme Shengen, qui recouvre de boîtes la tête de ses sujets, leur permettant une isolation totale mais confinée. Olivier Culmann témoigne avec humour de la passivité qui guette le monde, en saisissant des téléspectateurs absorbés par les images de leur lanterne magique.

Organiser une biennale d’ampleur et de qualité internationale dans un pays comme le Laos relevait du défi. Exposée lors de la précédente édition, Françoise Huguier a été appelée par le centre culturel français pour être commissaire de l’exposition : «Il y a un public local et international, des talents, un fort potentiel dans ce pays où la lumière est si belle. Sans manifestation culturelle, Luang Prabang risque de devenir une ville muséifiée. La photographie contemporaine peut aider à préserver la qualité du site, tout en donnant une nouvelle perspective aux photographes qui participent.»

Source: libération.fr

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